Kamerenbos

Publié le 10.07.2014

Cher journal,

Central Park, ce parent pauvre du bois de la Cambre, se prêtait à la promenade du tour du réservoir, qui valait bien sûr les regards courroucés des éternels joggers, quelle que soit la saison et la température. Cela m’a toujours paru une promenade de vieillard, pleine d’habitude et d’ennui. Et même la nuit, le parc central de Manhattan n’honorait guère sa réputation de danger, qu’il avait dû perdre avant que je n’aie eu l’occasion de m’y rendre.

Le bois de la Cambre, quant à lui, me faisait l’effet d’être moins parfait, malgré ses noms merveilleux comme le Chemin de l’Ombre, et celui du Crépuscule, le Carrefour des Attelages, le Théâtre de Poche… ce jardin à l’Anglaise démodé, traduction végétale d’une nouvelle de Maeterlinck, appendice artificiel de la forêt de Soignes, achevait de me convaincre que la légende arthurienne devrait être déplacée entre Ostende et Botrange.

Que valent Brocéliande et la Cornouailles face à l’erroné mais si joliment nommé Vallon des enfants noyés ? Que pèse Tintagel face au château de Belœil ? Et Camlann ou la plaine de Salesbière n’égaleront jamais Waterloo – là où vont mourir les légendes. Pour moi, s’il faut partir à la recherche d’Avalon, c’est au large de Zeebruges qu’on le trouvera (il va sans dire que malheureusement, la vérité est un peu différente, mais je parlerais de la fée Morgane une autre fois).

La Matière de Belgique ne saurait de toute façon être écrite, car son histoire n’est pas finie et je la voudrais ne jamais finir. Si Camelot a fini par tomber, je veux encore croire que ce Royaume peut survivre, quand bien même on se perd entre Louvain, Leuven et Löwen. Et s’il faut bien admettre que le climat du pays refroidit toutes les ardeurs, tue toutes les plantes, y compris d’expérience personnelle deux pauvres cannelliers qui n’avaient pas mérité la froide exécution que leur fît subir l’hiver bruxellois, j’ai aussi vu les serres de Laeken, qui font s’accomplir les rêves de la vieille version de la Brabançonne en greffant des oranges sous le ciel le plus sombre d’Europe.

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